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LA PEUR DES BOSSES


IV

OÙ COCARDASSE RÉPUDIE PÉTRONILLE


Tandis que Gonzague, accompagné de son factotum, se dirigeait à marches forcées vers Paris, tandis que les anciens familiers de la Maison d’Or, attachés à la mauvaise comme à la bonne fortune du prince, gagnaient le même but par des voies différentes, maître Cocardasse junior et frère Amable Passepoil n’arrivaient pas à se consoler du bain forcé qu’ils avaient dû prendre dans l’égout de Montmartre.

Certes, ils n’étaient point gens à laisser sans vengeance une pareille insulte, d’autant plus qu’ils savaient de qui ils la tenaient. Ils n’ignoraient pas davantage que leurs adversaires agissaient pour le compte du lâche qui avait commandé le guet-apens des fossés de Caylus, et les révélations de Mathurine à son ami Passepoil avaient appris au prévôt où se trouvait le quartier général de la bande.

« Si donc c’était au cabaret de Crèvepanse que Gauthier Gendry organisait ses embuscades, Cocardasse ne voyait rien de plus simple que d’aller l’en dénicher sans retard.

C’était peut-être aussi l’avis de frère Amable, mais comme il se larguait de prudence, il y avait des conditions, dont la première était de ne pas retourner au Trou-Punais.

Sa belle flamme pour la Paillarde s’était éteinte dans la boue de l’égout, où pourtant il en était né une autre, de même qu’on voit des feux-follets précisément au-dessus des marécages. Et, semblable à un feu-follet, Mathurine avait disparu sans laisser aucune trace de son passage qu’une vive passion dans le cœur de ce pauvre Amable. Toutes les autres s’effaçaient devant celle-là et, pour ne pas faire mentir le proverbe qui taxe l’amour d’ingratitude, le prévôt avait oublié Cidalise.

On comprend donc qu’il se souciait fort peu de revoir la Paillarde. D’un autre côté, il jugeait préférable de ne rien tenter du côté de la Grange-Batelière tant qu’on ne serait pas en force, sauf à attendre, s’il le fallait, le retour de Lagardère, en compagnie duquel on pourrait aller hardiment saccager ce nid de bandits.

Son projet eût été fort raisonnable s’il eût pu faire partager son opinion à son ami. Par malheur, la nature peu endurante du Gascon ne lui permettait pas de partager en son entier cet avis plein de sagesse ; il bouillait d’impatience, jurait comme un diable à l’idée qu’il lui faudrait temporiser et brûlait d’exercer immédiatement des représailles, sans calculer comment il s’y prendrait, ni les conséquences qui en pourraient résulter.

— Hé ! couquinasse ! grondait-il en répondant aux observations de son aller ego, un jour qu’ils causaient, sur le ton de dispute, comme toujours, dans la chambre qui leur avait été assignée à l’hôtel de Nevers, lou petit Parisien