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même milieu ; ils se ressemblaient comme deux hiboux abrités dans le même creux de vieux mur.

Ceci, tant qu’ils restaient dans le creux du vieux mur. Quand Louis XI mettait par hasard le casque couronné en tête ou qu’il revêtait le manteau d’azur, semé de fleurs de lis d’or, il ne ressemblait plus à Olivier le Dain. Et quand Olivier le Dain, qui était un galant seigneur faisait la roue en chausses de satin, en pourpoint de velours, la toque sur l’oreille, la poulaine rattachée au genou, il ne ressemblait point au roi Louis XI.

Louis XI et son barbier étaient aujourd’hui accoutrés à peu près de la même sorte : surcot de nuance neutre, chausses sombres ayant déjà de l’âge. Louis XI avait de plus que maître le Dain son fameux chapeau à images de plomb, si cher à la légende, et la figure de saint Michel suspendue à son cou par une chaînette d’orfèvrerie. Il était assis auprès d’une grande table couverte de parchemins épars. Sur cette table, il y avait une gigantesque et splendide pièce d’argenterie qui faisait contraste avec la simplicité des tentures et de l’ameublement. C’était une de ces boîtes à compartiments qu’on appelait salières et qui figuraient, en général, un édifice de style gothique. On y mettait toutes sortes d’épices et de conserves ; le milieu était aménagé pour donner asile à quelque maîtresse portion de venaison ou de boucherie, car c’était un meuble de festin. La salière du roi Louis XI était l’oeuvre du fameux Morellet, de Tours, qui tailla de son temps des vases sacrés et des gardes d’épée que Cellini n’eût point désavoués plus tard. Elle contenait, outre les cases à épices et la grand’chambre centrale, un bénitier à gauche, une écritoire à droite ; entre l’écritoire et le bénitier, il y avait une galerie pour les livres d’heure et un tiroir pour les titres et parchemins.

Le roi écrivait. De temps à autre, il s’arrêtait pour parler.

— Voici la dixième fois, dit-il en s’interrompant, que je transcris cet article premier des constitutions de mon nouvel ordre de chevalerie. Je n’y puis tout mettre, Olivier, mon ami.