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N’avait-on pas vu tout à l’heure, dans la plaine, la bannière redoutée du comte Otto flotter au vent, flamboyer au soleil ? Une autre cause d’émotion, et ce n’était pas la moindre, devait être attribuée au conteur lui-même. Personne ne savait au juste, nous l’avons dit déjà, ce qu’était messire Olivier. Beaucoup s’occupaient pourtant du mystère de sa vie. Pendant qu’il poursuivait ce récit, dont la bizarre poésie faisait peur et plaisir à la fois, tous les regards étaient fixés sur lui. Avant l’arrivée des valets porteurs de flambeaux, et tandis que l’ombre allait s’épaississant dans le salon, chacun lui faisait un visage à sa guise. Transfiguré ainsi par l’imagination de ses auditeurs, Olivier, dont la voix sonore vibrait dans la nuit, prenait des formes et surtout des proportions presque surnaturelles.

On avait entendu des dents claquer lorsqu’il s’interrompait, et de longs soupirs soulever les poitrines oppressées. D’où venait-il, cet homme au langage entraînant qui se jouait avec la parole comme les virtuoses provençaux avec la viole ou le rebec ? Et n’avait-il pas joué un rôle dans ce drame impossible ?

L’Homme de Fer l’avait recueilli mourant dans sa galère de plaisance. Il n’avait pas encore dit ses propres aventures dans la cité inconnue d’Hélion.

Elle existait donc, cette ville fantôme, à une heure de chemin de la côte d’Avranches, couverte de barques innombrables ? Et aucune de ces barques n’avait jamais signalé son port ! Mystère !

Mystère ! sans doute, cet être surhumain qui avait ravi à Satan le grand secret, enveloppait d’un voile cabalistique les effrayants arcanes de sa demeure. On passait auprès d’Hélion sans la voir.

Une idée venait à quelques-uns dans le salon du Dayron, une de ces idées qu’on repousse en vain et qui s’obstine. On se disait : « Si le conteur lui même, si cet Olivier, baron d’Harmoy, était… »

Plus d’un frisson courait sous la soie des corsages et même sous l’acier miroitant des cottes de parades. Vous savez, c’était