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VII


LA PROMENADE


Le soleil levant essayait en vain d’égayer Pontorson, la ville aux maisons grises et revêches ; le soleil souriait tout seul, Pontorson restait d’humeur sérieuse avec ses pignons pointus, ses toits escarpés et les fantasques découpures de ses girouettes. Toutes les fenêtres étaient encore fermées, ainsi que les portes de l’enceinte. Le soleil se dédommageait en dorant joyeusement les coteaux environnants et les belles moissons normandes sur la rive droite du Couesnon que la mer haute mettait au plein de ses bords. La plaine présentait un singulier spectacle : les tentes et baraques étaient encore en place, mais âme qui vive ne se montrait alentour. La fête dormait. Les cuisines foraines, éteintes, laissaient leurs fourneaux et leurs marmites à la garde de la foi publique ; les étalages des marchands merciers, quincailliers et bimbelotiers avaient pour garnison quelque gros chien à la chaîne ou quelque enfant accroupi, la tête entre ses mains. Le tableau de l’enlèvement des Sabines, le tableau de Rollon Tête d’Âne, et d’autres tableaux moins célèbres déroulaient au vent leurs haillons, chargés de couleurs violentes. Hélas ! parmi tous ces tableaux, le plus beau et le plus neuf manquait : celui où l’infortuné Rémy avait fait peindre l’Ogre des îles dévorant un petit enfant. Un emplacement noir où la brise faisait tourbillonner la cendre, voilà tout