Page:Paul Féval L'Homme de fer.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cavaliers se mettaient en selle sur de fringantes montures que les palefreniers tenaient encore par la bride. C’étaient ceux-là qui avaient occupé si longtemps la causerie des deux jeunes filles : Messire Aubry et Olivier, baron d’Harmoy.

– Pendant que tu tardais, dit Berthe, ils ont regardé tous deux de ce côté. Messire Olivier seul a salué de la main.

Elle tenait soulevé le coin du rideau. Les palefreniers lâchaient la bride. Au moment de partir, les deux cavaliers se tournèrent une seconde fois vers la fenêtre où la tête brune de Jeannine se montrait maintenant derrière la blonde tête de Berthe. Aubry, comme Olivier, envoya cette fois vers la croisée un salut avec un sourire.

Fn se retournant, Berthe vit Jeannine qui se retenait, pour ne point choir, au montant de la croisée. Jeannine tremblait. Le regard que Berthe darda sur elle descendit jusqu’au fond de son âme. Berthe frémit à son tour. Il n’y eut pas une parole échangée.

Elles retournèrent toutes deux vers l’alcôve.

– Ma fille, dit Berthe après un long silence, tu avais raison de ne point m’avouer ton secret. C’est donc lui !

– Chère demoiselle, répliqua Jeannine dont les yeux étaient maintenant sans larmes, je peux vous montrer mon cœur, car je le donne à Dieu chaque jour. Puissiez-vous être heureuse ! Moi, je sais mon devoir.

– T’a-t-il jamais offert sa foi ? demanda Berthe.

– J’ai quitté le manoir pour venir habiter avec ma grand’mère, répliqua Jeannine.

Berthe se laissa tomber sur le pied de son lit.

– Et depuis lors ? demanda-t-elle encore.

– Je vais quitter ma grand’mère pour entrer au couvent, dit Jeannine.

Berthe se couvrit le visage de ses mains, et Jeannine s’agenouilla devant elle.