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ma nièce, ce n’étaient pas les vieilles gens qui éveillaient les jeunes filles.

— Je vous obéis, madame ma chère tante, répondit à travers la porte la douce voix de Berthe.

Jeannine ouvrait les yeux à ce moment. Berthe cacha précipitamment l’écusson sous l’oreiller ? Jeannine jeta tout autour d’elle son regard plein d’étonnement et de regret.

— Que cherches-tu, ma fille ? demanda Berthe dont le sourire avait une pointe moquerie.

— Ce que je cherche ? répéta Jeannine, je rêvais.

— Il était-là, n’est-ce pas ? interrompit Berthe.

Jeannine rougit et baissa les yeux.

— J’en étais sûr ! s’écria mademoiselle de Maurever qui ne souriait plus : il n’y a donc que moi pour être seule et dédaignée ! Il n’y a donc que moi pour souffrir !

— Chère demoiselle, dit-elle doucement, si la souffrance d’autrui peut vous consoler, soyez consolée : je souffre !

Berthe regrettait déjà les paroles prononcées.

— Embrasse-moi, ma fillette, dit-elle en essayant de prendre un air enjoué ; ces nuits agitées me rendent folle. Tu ne t’es pas éveillée depuis qu’il fait jour ?

— Non, répondit Jeannine.

— Tu n’as rien vu ? insista Berthe en regardant malgré elle le ruban de moire où ne pendait plus l’écusson.

— Rien. Avez-vous vu quelque chose, chère demoiselle ?

— Moi ? du tout. Mais écoute !

Elle sauta hors du lit. Un bruit de chevaux se faisait dans la cour intérieur. Berthe jeta sur ses épaules de mante fourrée du matin et courut à la fenêtre.

— Viens, viens vite ! s’écria-t-elle, les voilà qui montent à cheval !

Jeannine ne se pressait point. Peut-être n’avait-t-elle pas envie de voir. Berthe l’appela une seconde fois avec impatience et d’un ton impérieux. Jeannine traversa la chambre à son tour. Au moment où elle arrivait auprès de la fenêtre, deux