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— Je ne suis qu’un pauvre écuyer, sire.

— Veux-tu te charger pour moi d’une mission ?

— Si ce n’est contre le duc, monseigneur…

Le roi haussa les épaules.

— De ton seigneur le duc, répliqua-t-il en broyant un fétu de paille entre ses doigts, je m’embarrasse comme de ceci, mon ami Jeannin. Il s’agit de choses plus sérieuses. J’ai engagé ma foi à ce comte Otto Béringhem qui voulait être chevalier de Saint-Michel.

Jeannin écoutait haletant.

— J’espérais, poursuivit le roi, que l’archange me serait en aide pour épargner cette tache à notre ordre. L’archange m’a inspiré l’idée de te donner la grande barque du monastère avec quinze ou vingt de mes archers écossais et de t’envoyer à la chasse du mécréant. Tu es bonne lance, tu auras peut-être raison de lui ; tu es Breton, tu dois avoir certainement quelque offense à venger.

— Ma fille ! sire, ma fille interrompit Jeannin que la joie étouffait ; le païen m’a ravi ma fille bien-aimée !

Louis XI tira vitement son image de saint Michel et la baisa par trois fois avec reconnaissance. Le fait est qu’il ne pouvait pas tomber mieux.

— À merveille mon ami Jeannin ! s’écria-t-il ; donc tu vas le mener comme il faut ! Pour ce fait qui témoigne d’une protection spéciale, je promets cent écus d’or à monseigneur l’archange !

Jeannin eut soixante archers, au lieu de quinze, et les quatre grandes barques du Mont. Un quart d’heure après, il faisait force de rames vers les Iles, plongées dans le brouillard nocturne.