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UN DIVORCE

débris de l’antique rue Neuve-Saint-Étienne où mourut Pascal, qu’à ce même instant, sa mère s’engageait dans une autre rue, contemporaine de celle-là, pour y avoir avec le religieux proscrit l’entretien sur lequel s’est ouvert ce récit. Cette similitude des décors autour de ces deux détresses était tout un symbole. Ne procédaient-elles pas d’une cause identique ? L’une et l’autre démarche n’aurait pas en effet eu lieu, sans le second mariage de Gabrielle. Mais quand Lucien eût connu ce détail, son esprit était trop profondément pénétré des doctrines de son beau-père pour rien voir là qu’une coïncidence fortuite. S’il avait toujours, et même sans s’en rendre compte, souffert de ce second mariage, c’avait été d’une peine uniquement instinctive, presque animale. Jamais le droit au divorce n’avait fait doute pour lui. Que la méconnaissance par ses parents du plus grand principe social pût entraîner pour eux et leur famille des conséquences de douleur, cette idée n’avait jamais traversé sa pensée. D’ailleurs, sa mère elle-même existait-elle pour lui, durant la brûlante demi-heure de cette course à travers Paris ? Son énergie était concentrée sur ce seul point : comment aborder cette explication avec son amie si indignement calomniée ?

— « Il faut qu’elle sache ces infamies, il le faut !… » s’était-il répété quand le coupé avait commencé de s’ébranler. « Nous chercherons ensemble d’où viennent ces abominables inventions. Elle m’aidera à le découvrir, et moi je l’aiderai à y couper court aussitôt… » La voiture n’avait pas contourné le Louvre que déjà une autre parole se prononçait en lui : — « Que ce sera dur de lui répéter de telles vilenies ! Pourvu qu’elle com-