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UN BEAU-PÈRE

que toi sur Mlle Planat… De quelle manière cet enfant égaré a pu accueillir cette révélation, ce qu’il a pu me répondre, ne me le demande pas. J’ai vécu là les minutes les plus cruelles de mon existence… Je ne lui en veux pas, je tiens à te le dire de suite. Je ne lui en voudrai jamais, quoi qu’il me fasse. Il est ton fils… D’ailleurs, s’il s’est oublié jusqu’à me manquer gravement, à moi ton mari, à moi qui l’ai élevé, qui l’ai tant aimé, qui l’aime tant, c’est qu’il ne se connaissait plus. Pendant cette heure, il n’a réellement pas été responsable. Je l’ai vu, devant moi, littéralement fou, se débattant contre l’évidence. Il me sait tellement incapable de lui mentir, tellement incapable aussi d’accuser quelqu’un sans preuves ! Oui, il était fou de chagrin, d’étonnement, de colère. C’est une grande comédienne que cette femme, pour l’avoir abusé ainsi… Et je le plaignais ! Je puis t’en donner ma parole, je n’ai pas cessé de le plaindre durant cette lamentable scène. C’est maintenant surtout que je le plains. Pense qu’il est parti pour aller chercher, lui aussi, des preuves et de quoi ? de l’innocence de cette malheureuse !… Des preuves ? Je lui ai nommé Méjan. Je lui ai dit l’endroit où était l’enfant… Il ne les trouvera que trop, ces preuves, et au lieu de revenir exiger que je lui demande pardon, comme il m’en a menacé, sous peine de ne jamais nous revoir, c’est lui qui reviendra me demander pardon, mais dans quel état, le pauvre enfant !… »

— « C’est moi, sa mère, qui t’aurai demandé pardon pour lui, d’abord… » s’écria Mme Darras, en serrant son mari dans ses bras avec passion : « — Il t’a insulté ! Il t’a menacé ! Toi, mon ami, mon amour, ma vie !… Mais tu as raison, c’est un pauvre enfant…