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UN BEAU-PÈRE

que nous ont toujours procurés ces hommes. Après réflexion, je me décidai à mettre l’un d’eux en campagne. En quinze jours, il a recueilli les renseignements que voici sur cette Mlle Planat, Berthe Planat, pour lui donner tout son nom. Cette fille a vingt-six ans, c’est-à-dire trois ans de plus que Lucien. Elle est orpheline de père et de mère. Le père était un capitaine d’infanterie. Les Planat sont des bourgeois de la ville de Thiers, dans le Puy-de-Dôme. Berthe a perdu ses parents très jeune. Elle a été élevé par un oncle, ancien greffier à Clermont-Ferrand. Elle a passé ses deux baccalauréats devant la Faculté de cette ville. À la suite de ce succès, elle est venue à Paris, sous le prétexte d’y faire, non pas sa médecine, mais son droit. En réalité, elle y a vécu maritalement, pendant plusieurs mois, avec un jeune homme qu’elle avait connu à Clermont, un nommé Étienne Méjan. Ce Méjan est aujourd’hui une espèce de personnage excentrique qui se produit dans les cercles littéraires du Quartier Latin. Il écrivaille, débite des vers, donne des conférences. À cette époque il était censé étudier le droit, lui aussi. De ce Méjan, Berthe Planat a eu un enfant, un garçon, qu’elle a gardé après leur séparation et qu’elle fait élever à Moret, près de Fontainebleau. Cette grossesse avait interrompu ses études, pas assez tôt sans doute pour qu’elle ne fût pas remarquée. D’ailleurs, à cette époque, elle ne s’était pas cachée de sa liaison. Encore une fois, Méjan et elle vivaient dans le même logement. Les camarades de son amant la connaissaient. Est-ce pour ce motif, afin de changer de milieu ? Est-ce par simple caprice ? Elle a quitté le droit pour étudier la médecine, après cette nais-