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L’IMPASSE

— « Non, » dit Mme Darras pour la troisième fois, en secouant sa tête, avec accablement, « je ne le ferai pas… Mon Père, » continua-t-elle, en mettant dans sa voix une supplication, « vous avez compris que je ne pouvais pas quitter mon mari, ne fût-ce qu’à cause de ma fille. Lui faire connaître la crise que je traverse, ainsi, sans préparation, ce serait risquer de tant l’irriter ! Peut-être s’opposerait-il à la dévotion de l’enfant dans l’avenir, une fois la première communion faite. Il ne s’est pas engagé à la laisser devenir pieuse… Et, moi-même, je redouterais trop, pour ma propre foi, certaines discussions. Je les aurais affrontées, appuyée sur les sacrements. J’y étais prête, puisque je voulais demander à mon mari qu’il autorisât ma démarche à Rome. Sans les sacrements, avec une vie religieuse si mutilée, si incomplète, je n’aurai pas la force… »

— « Mettez-y le temps qu’il sera nécessaire, » repartit M. Euvrard, « mais ayez la ferme volonté d’arriver à une explication qui ne laisse au père de votre enfant aucun doute sur votre état moral ; c’est votre strict devoir, même humainement. »

— « Je vous demande de me laisser réfléchir à tout cela, mon Père… » dit-elle en se levant, et, presque tremblante. « Vous m’autorisez à revenir, n’est-ce pas ? Quoique notre conversation n’ait pas correspondu à mon espérance, elle m’a soulagé d’un poids très lourd, de ce silence dont j’étouffais !… »

— « Je serai toujours heureux de vous revoir, » reprit l’Oratorien, que cette timide et pressante question avait troublé visiblement ; « mais je vous ai dit que je ne pouvais pas me prêter à des visites