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L’IMPASSE

vous verrez d’autres mères aller à la sainte table, et vous non. Vous pouvez mériter, toujours dans le même sens, par des aumônes, par des privations, par une observance plus rigoureuse de certains préceptes de l’Église, les maigres et les jeûnes, par exemple. J’ai compris que votre second mari était très éloigné, lui, beaucoup plus éloigné que vous ne l’avez jamais été… Vous mériteriez surtout, si vous parveniez à le ramener… »

— « Ne me demandez pas cela, mon Père ! » s’écria Mme Darras, dont les traits s’étaient soudain comme décomposés. Elle répéta : « Ne me le demandez pas ! Pour essayer de mériter, comme vous dites, rien ne me coûtera, dans le programme que vous me tracez. Parler de questions religieuses à mon mari, en lui montrant ma vraie manière de penser, je ne le pourrais pas. Songez, mon Père : tous mes troubles autour de la première communion de ma fille, il ne les soupçonne même point. J’ai mis tant de soin à les lui cacher ! Il en souffrirait trop. »

— « Il a pourtant consenti que sa fille fût baptisée ? » dit M. Euvrard.

— « J’avais mis cette condition à notre mariage, » répondit Mme Darras, « que nos enfants seraient catholiques. Il a tenu sa parole, — c’est un si honnête homme, — mais avec quelle révolte intérieure, contre ce qu’il considère comme une misérable superstition ? Lui, qui s’occupe des moindres détails quand il s’agit de la petite, il me voit la conduire à la messe, au catéchisme, sans jamais me poser la moindre question. Cette partie de la vie de sa fille n’existe pas pour lui. Quant à moi, il est persuadé qu’en élevant notre