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UN DIVORCE

avoir une vie religieuse complète, suis-je condamnée à ne pas en avoir du tout ? N’y a-t-il pas un moyen terme entre cet abandon de mon foyer que vous m’ordonnez, pour m’admettre aux sacrements, et l’incrédulité totale où j’ai vécu si longtemps ? Puisque ce retour à la foi, qui m’a conduite, ici est de votre propre aveu, une grande grâce, ne m’indiquerez-vous pas un moyen d’y répondre à la portée de ma faiblesse ?… Enfin, mon Père, c’est une conclusion pratique que je vous demande de vouloir bien donner à notre entretien. »

— « Je ne vous ai pas ordonné d’abandonner votre foyer », rectifia M. Euvrard, « du moins en ce moment. Vous voudriez le faire, que je vous demanderais de réfléchir. C’est la preuve que l’on ne sort pas si aisément de certains chemins. Vous avez une fille et dont l’éducation religieuse serait compromise, si vous quittiez votre maison. Où est l’obligation la plus profonde ? Je ne prendrais pas sur moi de trancher cette difficulté. Je ne l’ai pas tranchée. Je vous ai dit, me rangeant sur ce point, et d’une manière absolue, à un avis qui vous paraissait trop sévère : l’approche des sacrements vous est défendue dans vos conditions actuelles d’existence… Néanmoins il est très vrai que ces conditions, si fausses soient-elles, comportent des devoirs. Les remplir, c’est toujours, dans un certain sens, mériter. Vous avez mérité, en n’oubliant pas, dans votre second mariage, vos obligations envers votre fils. Vous mériterez, chaque fois qu’ayant à subir quelque épreuve, vous l’offrirez à Dieu, surtout quand cette épreuve se rattachera à ce second mariage, ainsi le chagrin qui vous serrera le cœur quand, le jour de cette première communion.