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L’IMPASSE

accru avec l’insistance du prêtre. Le hasard avait voulu que l’une des catastrophes mentionnées par lui fût précisément celle que la divorcée redoutait le plus, d’après des indices trop justifiés. — Le récit auquel cette scène sert de prologue n’est que le détail de ce malheur. — Cet accord entre sa plus secrète anxiété et certaines paroles de M. Euvrard lui avait infligé une trop vive sensation d’un avertissement prophétique, pour qu’elle gardât la force de discuter. À quoi bon d’ailleurs, après une réponse à sa demande, qui ne laissait aucune place à l’espoir ?

— « Je ne peux pas raisonner contre vous, mon Père, » finit-elle par dire. « Je ne suis qu’une ignorante… J’étais venue implorer de votre charité, comme prêtre, un secours que vous me refusez. Votre décision me semble bien dure, mais je l’accepte. Vous l’avez appuyée sur des motifs qui s’imposaient à mon intelligence pendant que vous me parliez, tout en me déchirant l’âme. Une autre fois, si vous me permettez de revenir, je saurai peut-être formuler des objections que je ne vois pas maintenant avec mon esprit. Je les sens avec mon cœur… Je voudrais, avant de prendre congé, vous poser une question encore… Vous m’avez dit que j’étais une exception dans le divorce. Je ne le crois pas. Si votre jugement sur moi est trop indulgent, il a cependant un sens. Il prouve que vous admettez des différences entre les façons de vivre des femmes qui se remarient. À vos yeux elles ne sont pas toutes également éloignées de ce que vous considérez comme la droite voie. Il doit y avoir des degrés aussi dans la rupture avec l’Église. Vous me dites que la réconciliation absolue que j’avais rêvée n’est pas possible. Si je ne peux pas