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UN DIVORCE

vous dites que, si vous aviez connu l’affreux vice de votre mari, vous ne l’auriez pas épousé. Donc, il y a eu consentement. Vous vous indignez contre ce vice ; je vous accorde qu’il est détestable, qu’il est hideux. Il ne constitue pas une erreur sur la personne. Il constitue une épreuve. Quand l’Église a béni votre mariage, elle ne vous a pas promis qu’elle vous exempterait des épreuves. Si celle-là était trop dure, vous aviez la séparation, que l’Église a toujours autorisée. Mais elle n’autorise que la séparation. Faire davantage, ce serait désobéir au précepte, si nettement formulé dans l’Évangile et qui défend les seconds mariages, du vivant du premier conjoint. Comprise comme vous la comprenez, l’annulation ne serait qu’un divorce hypocrite. L’Église n’a pas de ces complaisances. Quand elle marie deux êtres, elle enregistre bien un contrat, mais irrévocable, puisqu’il se double d’un sacrement. N’espérez pas échapper par cette porte. Elle est fermée… « 

— « Que faire alors ?… » s’écria Mme Darras en joignant les mains, dans un geste de détresse : — « Est-ce possible que Dieu » — elle appuya sur ce mot avec une infinie douleur — « m’ordonne d’abandonner mon foyer, de briser le cœur d’un homme que j’aime et qui m’aime, de laisser ma fille ? Car mon mari ne me la donnerait pas, et il aurait la loi pour lui… Sinon, pas de vie religieuse ; l’interdiction absolue de m’agenouiller à côté de ma chère enfant, dans une heure solennelle de sa jeunesse, pour participer ensemble au même saint mystère ; pas de pardon !… Est-ce possible, je vous le redemande, mon Père, que la loi humaine ait plus de justice, plus de charité que la loi divine ?