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L’IMPASSE

avait voulu le frapper, lui !… Je vous le demande, mon Père, avais-je consenti à épouser un fou, et un fou méchant ? N’y a-t-il pas là de quoi faire casser un mariage où mes parents et moi avons été trompés ?… Mon Père, si je m’engage à la demander, cette annulation, que je ne peux pas ne pas obtenir, si je vous affirme que je ferai tout pour décider mon second mari à m’y autoriser, si je vous promets que, d’ici là, tout en demeurant sous son toit, je vivrai auprès de lui comme une sœur auprès d’un frère, ne voudrez-vous pas me considérer comme réconciliée avec l’Église ? Ne pourrai-je pas me confesser et communier avec ma fille, une fois du moins, cette seule fois ?… »

— « Non, » dit l’Oratorien en secouant la tête avec une mélancolie où la pitié l’emportait de nouveau sur la sévérité. — « Vous ne pourrez pas. Aucun prêtre ne saurait se prêter à un compromis qui ne reposerait d’ailleurs sur rien de réel. Les prétextes que vous venez d’articuler ne permettraient même pas d’introduire une demande d’annulation. Vous paraissez croire, madame, comme beaucoup de gens du monde, que Rome a le pouvoir de dénouer le lien conjugal. Elle ne l’a pas. Rome reconnaît qu’il y a des mariages nuls, quand ces mariages sont vraiment nuls, c’est-à-dire quand certaines conditions nécessaires à la validité du contrat conjugal n’ont pas été remplies. Ces conditions, elle les a déterminées et définies, avec une précision qui ne laisse aucune place à l’équivoque. Consultez un ouvrage quelconque de théologie morale. Vous y verrez que votre cas ne rentre dans aucun des types prévus. Vous-même convenez que votre mariage a été suffisamment libre, quand