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UN DIVORCE

et regardant son sort se débattre dans cette conscience d’un grand savant doublé d’un saint : — « Vous pouvez essayer de rentrer, » finit-il par dire, « avec votre fille, dès aujourd’hui. À aucun prix vous ne devez consentir au reniement que M. Darras a indiqué comme condition de ce retour, — à aucun prix… Il vous verra. Vous lui direz : — « Me voici, je ramène l’enfant, je reviens ; mais je ne peux pas renier ma foi. Si vous l’exigez, il faut que je reparte… » S’il l’exige, il faudra repartir… S’il ne l’exige plus, si son émotion de vous retrouver est plus forte que son orgueil, s’il recule sur ce point, alors, vous serez en droit d’espérer qu’il reculera sur l’autre un jour… Je vous ai dit qu’il était de bonne foi. Le principe de son changement possible, le voici. Il comprendra trois choses : la première, dont il commence à se rendre compte, en s’en désespérant, c’est que votre foi est bien vraie, bien profonde, bien sincère ; — la seconde, c’est que vous faites à l’éducation religieuse de votre fille le plus grand des sacrifices, et que le lien entre vous, maintenant, est là, uniquement là ; — enfin la troisième, qu’il n’y aura plus de bonheur entre vous, tant que vous porterez sur votre cœur ce poids de remords… Du jour où il aura compris ces trois choses, un travail s’ébauchera dans son esprit. Et moi, » — ajouta-t-il en montrant son crucifix : — « je prierai pour que Dieu fasse le reste ! »

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Quelques heures plus tard, quand Albert, rentrant de son bureau du Grand-Comptoir, où il avait passé toute cette après-midi encore à se dévorer d’inquiétude, arriva devant sa maison, il crut voir, — avec