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LA PRISON

qu’aurait-il pensé en constatant que vous demeuriez fidèle à votre mari, même dans l’outrage et l’abandon ; que pour vous, le sacrement était vraiment la chose sacrée à laquelle rien ne peut toucher ; en vous regardant déployer toutes les qualités que vous avez, dans le renoncement et la foi ? Il aurait compris ce que vous avez compris devant la piété de votre enfant, qu’une force était là, surnaturelle… Mais la faute commise est commise. Vous en reconnaissez l’enseignement et vous ne pouvez pas le lui montrer. C’est votre suprême épreuve. Je vous disais l’autre jour que l’on ne sort pas si aisément de certains chemins. Le divorce est un de ces chemins. Vous en êtes la prisonnière, même à présent qu’il vous fait horreur et que vous avez démêlé ses funestes conséquences en vous, autour de vous, dans votre fils, dans ses rapports avec son beau-père, dans la triste union qu’il va contracter, dans vos rapports, à vous, avec lui et avec M. Darras… Ce refus d’un mariage religieux, c’est la dernière de ces conséquences… Mais comment y échapper ?… » — continua-t-il après s’être accoudé à sa table, le front dans sa main dans une attitude de réflexion profonde. — « Oui. Comment y échapper ?… La règle est absolue : vous n’êtes pas mariée avec cet homme… D’autre part, il y a le salut de l’âme de votre fille, et, par cette âme de votre fille, peut-être le salut du père… Si vous ne rentrez pas, plus d’éducation religieuse pour l’enfant, le père de plus en plus irrité contre l’Église.. Vous-même, si vous rentrez ?… Ah ! la prison ! la prison ! La voilà… » — Puis, après une nouvelle pause dont la longueur parut interminable à la pauvre femme qui se taisait, elle aussi, accablée