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UN DIVORCE

Ah ! j’ai péché, mais que sa main est dure !… »

— « Elle s’adoucira, et bientôt… » dit le prêtre. « Ayez confiance. Je ne vous ai rapporté ce message de M. Darras que pour vous prouver combien j’ai eu raison de redouter les conséquences de votre départ irréfléchi. Je ne vous ai pas tout dit encore. Nous avons parlé de votre fille, deux fois. La seconde, j’ai pu sans effort amener M. Darras à renouveler sa promesse qu’il respecterait son éducation religieuse, si les choses demeuraient en état, — ce sont ses propres termes, — c’est-à-dire si vous rentriez. »

— « Oui, » dit-elle, « il croit me tenir par là, et il a trop raison. C’est un horrible calcul, et dont je ne l’aurais jamais cru capable… »

— « Ne le jugez pas sévèrement, » répondit le Père Euvrard.» Il ne le mérite pas. Je l’ai bien écouté, bien regardé. C’est un homme d’une absolue bonne foi. Il veut que vous rentriez auprès de lui, parce qu’il vous aime et qu’il vous croit sa femme très légitimement. Il respectera l’éducation religieuse de votre fille, parce qu’il l’a promis. Il fera cela, sans aucun calcul, je vous l’affirme, par devoir. Pour ce qui regarde l’Église, il est dans cet état que nous appelons l’ignorance invincible, et d’autant plus profondément qu’il est plus savant, de cette science mal ordonnée qui est une des grandes faiblesses de ce siècle. Il vit, par rapport à la religion, dans des préjugés qu’il prend pour des idées scientifiques. Il ne les a jamais vérifiés. Les vérifiera-t-il jamais ?… Je l’espère. Il faut, pour cela, qu’il voie auprès de lui des vertus chrétiennes… Il les aurait vues, et vous auriez obtenu tout ce qu’il vous dénie aujourd’hui, si vous aviez refusé de l’épouser il y a douze ans. Vous aimant comme il vous aimait,