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LA PRISON

Il pensa que ce dénouement n’était pas mûr, et il laissa partir son visiteur. Il tomba alors dans une méditation si profonde qu’il fallut, pour l’en tirer, le double coup de sonnette de celle qu’il attendait cependant, et sur l’avenir de laquelle il réfléchissait avec l’absorption d’un théologien préoccupé du plus délicat, du plus douloureux des cas de conscience.

— « Vous l’avez trouvé chez lui ?… » demanda-t-elle, aussitôt entrée, avec une impatience de savoir, qui se transforma en une véritable détresse, quand M. Euvrard lui eut dit :

— « Il sort d’ici. Il y a un quart d’heure vous l’auriez rencontré. »

— « Et sa réponse ? »

— « Il refuse. »

— « Mon Dieu ! » gémit-elle en joignant les mains, « ayez pitié de moi !… Et il veut toujours sa fille ? »

— « Il la veut. Je lui ai parlé, comme nous en étions convenus, de vous la laisser jusqu’à sa première communion. Il refuse aussi. Il m’a chargé de vous transmettre ses conditions, car il en pose à votre retour. Il veut que vous vous rétractiez sur tous les points, que vous déclariez reconnaître la validité absolue de votre union actuelle, et que vous promettiez solennellement de ne plus jamais lui parler d’un mariage religieux. »

— « Je ne commettrai pas cette lâcheté, mon Père, » s’écria Gabrielle, « je ne ferai pas cette promesse. J’aime mieux ne pas rentrer… Je me sauverai… J’irai à l’étranger avec ma fille, sous un faux nom… Tout plutôt que de renier ma foi et d’offenser encore ce Dieu qui m’a tant punie !…