Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
UN DIVORCE

prêtre. Je ne suis qu’un honnête homme et qui pratique simplement la morale laïque. »

— « Je savais, monsieur Darras, que l’habit que je porte vous est très suspect, » répliqua le Père avec un mélange de douceur et de fermeté dont son interlocuteur resta, malgré lui, impressionné. — « En allant chez vous tout à l’heure, je n’ignorais pas à quoi je m’exposais. Mais vous dites vrai : un prêtre n’est pas tout à fait un homme comme un autre. Il a des devoirs particuliers, dans l’accomplissement desquels il relève d’un jugement qui n’est pas de ce monde. C’est un de ces devoirs que j’ai rempli en recevant la confidence de Mme Darras, une première fois, sans qu’elle m’eût dit son nom, ni rien de sa vie, si ce n’est qu’elle avait besoin de mon assistance, en tant que prêtre. C’est un de ces devoirs encore que je remplis en acceptant d’être son ambassadeur auprès de vous. Vous avez bien voulu me dire votre estime pour mes modestes travaux. Faites-moi le crédit de penser que je ne me suis pas dérangé de mes études, » — et il montra de la main le tableau noir toujours couvert de ses hiéroglyphes algébriques, — « sans un motif extrêmement sérieux. Ce motif, c’est la profonde pitié que j’ai éprouvée devant une âme en détresse. Si je m’étais trouvé avec Mme Darras par exemple dans un accident de chemin de fer et qu’elle y eût été blessée, vous considéreriez comme très naturel que je vinsse vous avertir ?… La mission dont j’ai accepté de me charger n’est pas d’un autre ordre… »

— « Il y a cette différence, » répondit Darras, « que vous ne vous êtes pas trouvé avec Mme Darras par un simple hasard. Elle est venue vous chercher et vous l’avez conseillée… D’ailleurs, laissons