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L’IMPASSE

libre, pour m’oublier quand je ne l’étais plus. Je l’étais de nouveau, il reparaissait. Il avait de la fortune maintenant, une brillante position, la possibilité d’épouser qui lui plairait. Il restait fidèle à son premier sentiment, et il me demandait ma main. J’ai accepté ce dévouement, et, depuis ce jour, je n’ai pas rencontré en lui une défaillance. Il a été pour moi le meilleur des maris, pour mon fils le meilleur des pères… Fût-ce au prix de mon salut éternel, je ne le quitterai jamais, jamais… »

— « Je ne comprends pas bien alors ce que vous attendez de moi, » répondit M. Euvrard, « ni de quel appui vous avez besoin, pour me servir de vos propres termes. Vous êtes assez au courant des lois de l’Église pour le savoir : votre second mariage ne compte pas à ses yeux, il ne pourra jamais compter. En le contractant, vous avez rompu avec elle. Vous prétendez persévérer dans cette rupture, et, en même temps, vous parlez de reprendre une vie religieuse, de participer aux sacrements ?… Il y a là une contradiction si évidemment irréductible qu’elle ne vous a pas échappé. Vous voudriez être tout ensemble dans l’Église et hors de l’Église. C’est un problème sans solution. »

— « Il en a une, mon père, » interrompit Mme Darras. L’énergie de son affirmation prouvait quelle importance elle attachait à cette partie de leur entretien. Le sang revenait à ses joues. Ses yeux brillaient, et elle insistait : — « Oui, il y a une solution. Elle ne peut être acceptée que par un prêtre à l’esprit large, très large. C’est pour cela que je suis venue vous la soumettre, à vous… Mon second mariage ne compte pas aux