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LA PRISON

chaîné entre le maître et la maîtresse de la maison échappât du moins à certains commentaires d’office.

— « Quelle heure était-il, quand Madame a quitté l’hôtel ? » questionna-t-il.

— « Trois heures, trois heures et demie, » dit le domestique. « C’est moi qui suis allé chercher la voiture. Pour en avoir une à galerie, j’ai dû aller jusqu’à la gare Montparnasse. »

— « Voulez-vous m’appeler la femme de chambre ? »

— « Elle est partie avec Madame, » répondit l’homme.

— « C’est juste, » fit Darras. — Plus de doute : une voiture à galerie… la femme de chambre emmenée avec la petite et l’institutrice… Gabrielle avait réalisé sa menace. Elle s’était enfuie ! Il eut le courage de demander encore, du ton de quelqu’un qui s’enquiert d’un détail sans grande conséquence : — « Ont-elles eu le temps de faire les malles ? »

— « C’est la femme de chambre et l’institutrice qui ont tout emballé. » reprit le domestique. « Il y avait quatre colis. J’ai aidé le cocher à les charger : une grande malle, deux valises et le nécessaire de Madame. »

Ainsi Gabrielle s’était enfuie, enfuie en emmenant sa fille, leur fille !… Devant l’inattendu terrassant d’une pareille nouvelle, le premier sentiment de Darras fut une consternation si complète qu’il ne chercha même pas à en savoir davantage. Le pouvait-il, d’ailleurs, sans achever de livrer le secret de cette crise de son foyer ? Il se dit que ce n’était