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LA PRISON

— « Tu ne commettras pas une action pareille », s’écria la mère. « Tu n’en as pas le droit. Tu m’as tant dit que le premier des devoirs était le respect de la conscience ! Tu ne toucheras pas à celle de ta fille. »

— « Je lui en donnerai une autre, » répondit le père. « Je la ferai grandir dans la vérité, au lieu que toi, tu la nourris de chimères, et moi, par scrupule, je ne m’y suis pas opposé. Je vois aujourd’hui combien j’ai déjà été coupable envers celui qui l’épousera plus tard, si les impressions de son enfance doivent jamais reparaître et la séparer de son mari…

— Tu lui enlèverais sa foi !… » dit Gabrielle. « Mais enlever sa foi à un être sans défense, c’est un crime, Albert ; un crime abominable. »

— « Es-tu bien sûre que ce n’en soit pas un de la lui avoir donnée ?… » répliqua-t-il. « Ah ! prends garde. Ne réveille pas en moi cette pensée, qui m’a hanté si souvent, qu’il n’y a pas de promesse contre la vérité, et que, par suite, je n’aurais jamais dû promettre ce que j’ai promis… Mais non !… J’ai promis : je tiendrai. À la condition qu’ayant promis, toi aussi, tu tiennes. Je ne veux plus jamais entendre parler de mariage religieux, tu m’as bien compris, jamais. Tel tu m’as épousé, tel je reste ; si tu observes ton engagement, j’observerai le mien ; si tu y manquais jamais, si tu réalisais ce projet de départ, j’agirais comme je t’ai dit. « 

— « Même à la veille de sa première communion ? »

— « Elle ne la ferait pas, voilà tout », répondit-il plus durement, « et ce serait tant mieux !… Mais, encore un coup, finissons-en ». — Il regarda