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UN DIVORCE

et solennelle de notre vie commune, le désaveu de notre ménage actuel. Je ne me ferai pas, même pour te plaire, le renégat de cette vie dont je garde, moi, la fierté, si tu m’empêches d’en garder la joie… Es-tu ma maîtresse ? suis-je ton amant, pour que nous ayons à nous marier, après avoir vécu ensemble ? Non, tu n’es pas ma maîtresse. Tu es ma femme. Non, je ne suis pas ton amant. Je suis ton mari. Jamais, jamais je ne nous infligerai, à toi et à moi, cette flétrissure. Jamais je n’insulterai à notre foyer. »

— « Tu préfères le détruire ! » dit-elle, presque sauvagement. « Oui, si tu me refuses ce mariage religieux, tu l’auras détruit. Je n’y resterai pas. Je le sens. Je ne le pourrai pas. Vivre avec toi, porter ton nom, t’appartenir, et n’être pas ta femme devant Dieu quand rien ne s’y oppose que ton orgueil, je ne le supporterai pas. Je l’ai supporté… — avec quelle douleur, depuis tant de jours !… — parce qu’il y avait l’obstacle invincible. Je me disais : je fais ce que je peux de mon devoir de chrétienne dans des conditions plus fortes que ma volonté. À présent, si tu continues à me dire non, il faudra que je parte, que je m’en aille. Réponds, me laisseras-tu m’en aller ?… Pourquoi ? Tu parles d’outrage, de flétrissure ? Quel outrage y a-t-il dans la célébration d’une cérémonie qui nous était interdite, qui nous devient permise ? Quelle flétrissure dans un mariage qui, pour toi, puisque tu ne crois pas, ne signifie rien ? Je te le répète, si tu me refuses, c’est que l’orgueil chez toi l’emportera sur l’amour. Rien que l’orgueil ! Tu ne veux pas que ton incroyance ait cédé devant ma foi. »

— « Et quand ce serait ?… » répliqua-t-il. « Quand,