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UN DIVORCE

l’autre, dans la honte. Je lui ai tout dit, et ta bonté pour lui, et les doutes que cette rencontre là-bas t’a donnés en leur faveur… Je lui ai demandé de ne pas exiger une réponse immédiate, d’attendre seulement. Rien ne lui a fait. Il a parlé d’aller hors de France avec elle, en Allemagne, étudier la médecine, de reconnaître son enfant !… Ce qu’il veut, c’est ne plus nous voir !… Tu avais trop bien deviné pourquoi, parce qu’il hait notre ménage ! »

— « Il est sous l’impression de la mort de son père, » répliqua Darras. « À la réflexion, il n’est pas possible qu’il ne revienne pas à des sentiments plus équitables, les vrais, ceux qu’il a réellement, et qui ne sont pas haineux… Certes, ce qui nous arrive est bien dur, ma pauvre amie. Mais la désolation est une lâcheté dans la vie de famille comme dans la vie publique. Nous avons fait notre devoir. Les circonstances tournent contre nous. Nous n’avons rien à nous reprocher et nous pouvons encore trouver des motifs d’espérer… Il va vivre avec cette fille, me dis-tu, en Union libre ? Il y a tout de même une doctrine dans l’Union libre. Elle est folle, mais ce n’est pas le libertinage. Quand elle est professée sincèrement, comme par lui, elle n’est pas basse, ce n’est donc pas une honte, comme tu le dis. De deux choses l’une : ou bien cette fille est de bonne foi, et elle se conduira en conséquence. Alors, ils seront amenés, par le simple souci de leurs enfants, à légaliser dans deux ans leur faux mariage. Ou bien, comme je l’ai cru d’abord, c’est une intrigante. Alors, elle ne supportera pas de vivre dans une Université allemande, monotonement, tranquillement. Elle se démasquera, et il ne l’épousera point. Dans l’un et dans l’autre cas, nous le retrouverons.