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L’IMPASSE

et d’une âme. Il lui semblait bien qu’un des éléments du problème n’était pas clair. Du jour où cette âme avait cru de nouveau, pourquoi n’était-elle pas allée aussitôt aux sacrements ? Pourquoi ce délai ? Pourquoi ce trouble dans ce retour ? L’énergie de l’inconnue à proclamer son honnêteté ne permettait pas de supposer un secret coupable. M. Euvrard ne se doutait pas qu’il allait lui-même, dans une minute, et par son seul caractère de prêtre, représenter l’invincible obstacle dressé devant cette femme sur cette route du retour, et il l’écoutait, avec un étonnement très vite mêlé d’épouvante, lui répondre, en reprenant une de ses dernières phrases :

— « Non, mon Père, ce n’est pas si simple. Il faut que vous en sachiez davantage, et que je vous aie appris qui je suis et pourquoi vous me voyez si émue. Je suis mariée, je vous l’ai dit déjà. Je dois ajouter que c’est mon second mariage, et que mon premier mari vit toujours. »

— « Alors, » interrogea le prêtre après un silence, « vous êtes divorcée et remariée ?… »

— « Oui, » dit-elle.

— « Et votre fille ? »

— « Ma fille est née de mon second mariage. »

— « Vous êtes divorcée et remariée, » répéta M. Euvrard, et, comme se parlant à lui-même : « Pauvre femme ! Je comprends tout… » Puis, revenant à elle : — « Non. Ce n’est pas simple. Vous ne pouvez pas communier, vivant comme vous vivez. Je ne dois pas même recevoir votre confession. Je ne pourrais pas vous donner l’absolution… »

Il avait prononcé ces derniers mots avec un visage