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UN DIVORCE

nous parlons, il est là, dans son cabinet, derrière cette porte, et il n’entre pas !… Pour quel motif, sinon parce qu’il n’y a plus place pour nous deux auprès de toi ? Et, toi-même tu le sens si bien aussi, que tu n’iras pas le chercher, que tu ne provoqueras pas cette explication entre nous et devant toi. Tu te rends trop bien compte qu’elle est inutile et qu’elle serait trop dangereuse… »

— « Elle est nécessaire, » dit Gabrielle, « et je vais le chercher. »

Elle marcha d’un pas décidé vers la porte qui séparait le petit salon de la bibliothèque. Sa main souleva la tapisserie pour chercher la poignée de la serrure, et puis elle ne la tourna pas. Une seconde elle demeura ainsi, secouée d’un tel tremblement qu’elle dut s’appuyer contre le chambranle. Sa main retomba sans qu’elle eût achevé son geste. Elle quitta cette porte qu’en effet elle n’avait pas osé ouvrir, et elle revint vers son fils en disant :

— « Tu as raison… J’ai peur… Mais, malheureux enfant, ne comprends-tu pas que je vous aime tous deux, toi autant que lui, lui autant que toi… C’est à cause de cela que je ne supporterais pas de vous revoir l’un en face de l’autre. Mon fils ! mon fils ! J’ai peut-être été bien coupable envers toi en divorçant et en me remariant. Mais je te jure qu’en ce moment j’en suis trop punie. »

— « Toi ? » s’écria le jeune homme, « coupable envers moi…? Toi, ma chère maman ?… Ne te dis pas cela, je t’en conjure, ne le pense pas !… » — Il l’avait forcée de s’asseoir dans un fauteuil et il e’était mis à genoux devant elle en lui baisant les mains, bouleversé jusqu’au fond de l’être par ce