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UN DIVORCE

— « Quand tu m’as parlé de pardon tout à l’heure je crois t’avoir répondu comme je devais, et bien sincèrement. Ne me demande pas d’aller plus loin et de tenir compte d’une volonté qui, pour moi, n’a jamais été légitime… Tu vois que j’avais raison quand je te suppliais de ne pas aborder ce sujet. Tu me forces à te dire des mots que j’aurais tant voulu ne pas te dire. Cette démarche que tu viens de rappeler, tu ne sais pas combien elle m’a rendue malheureuse, combien j’en ai pleuré… Tu prétends ne l’avoir pas faite contre moi ? Je ne peux pas accepter, non plus, que tu me sépares d’Albert, de mon mari, de cet homme excellent, à qui tu as donné si longtemps ce nom de père, et qui l’a mérité par son dévouement, qui le mérite toujours. Dans notre tendresse pour toi, nous ne faisons qu’un… Encore hier, quand ta lettre est arrivée, veux-tu savoir quel a été son souci ? Un seul, celui que ce malentendu si cruel entre nous trois prît fin. « Tâche seulement que Lucien ne parte pas d’ici pour n’y plus revenir, » ce sont ses propres paroles… Et si tu savais aussi combien il a saisi l’occasion de plaider pour toi ?… J’ai peut-être tort, mais je t’aurai tout dit… Il a vu cette personne que tu veux épouser : dans quelles circonstances, faut-il te le rappeler ? Il était allé place François Ier, parce qu’il croyait alors que tu étais la victime d’une intrigante. Il voulait parler, tu devines à qui, et tu comprends pourquoi… Rien que sa présence dans cet appartement et pour ce motif ne suffirait-elle pas à te prouver ce que tu es pour lui ?… Il ne t’a jamais fait un plus grand sacrifice. Il voulait te sauver à tout prix. Le hasard a fait que cette jeune fille et lui se sont expliqués. Elle lui a produit une im-