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UN ADIEU

de prononcer me renseigne suffisamment sur tes intentions. Permets-moi de te les faire préciser. Ce ne sera pas très long, et tu peux constater que je ne suis plus exalté. Réponds-moi donc en toute franchise. Je le sais par mon notaire, M. Mounier : tu es au courant de la démarche que j’avais faite auprès de mon père. Je l’ai faite, et je m’en suis cru le droit, parce que l’empêchement mis à mon mariage ne venait pas vraiment de toi. S’il était venu de toi, je veux dire de toi seule, j’aurais hésité avant d’employer le moyen que me donnait la loi… Ce n’est pas contre toi que j’ai agi. Je tiens à te l’avoir affirmé. En tout cas, à tort ou à raison, j’ai agi. Tu sais par M. Mounier le résultat : j’avais obtenu de mon père son consentement. Il me l’avait accordé, remarque-le, en pleine connaissance de cause. Je ne lui avais rien caché, j’y insiste, rien, des conditions où se trouve Mlle Planat. Il était malade, c’est vrai, et il se sentait s’en aller, mais il avait toute sa tête. Il a voulu me prouver qu’il m’aimait en ne s’opposant pas à une union dont il a compris qu’elle était mon plus passionné désir, et qu’elle sera mon bonheur. S’il avait vécu deux semaines de plus, ce mariage aurait eu lieu. Sa disparition annule son consentement devant le Code. C’est de toi seule maintenant que dépend l’autorisation à ce mariage. Confirmeras-tu, ou non, la dernière volonté que mon père ait manifestée à mon égard ? »

— « Je ne peux pas accepter que la question soit posée entre nous dans ces termes, » dit vivement la mère. Son cœur lui battait jusque dans la gorge pendant qu’elle parlait, tant la dernière interrogation de son fils avait touché en elle une plaie vive.