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UN DIVORCE

souffrance. On lui faisait des piqûres d’éther qu’il ne sentait même pas… C’est dans ce dernier entretien qu’il m’a chargé pour toi d’un message, comme te l’a dit mon billet. Il a voulu que je te demande pardon, en son nom, de n’avoir pas été pour toi ce qu’il aurait dû être. Il a pu commettre bien des fautes, maman. Je te le jure, ce n’était pas un mauvais homme. Lui pardonnes-tu ? Dis-moi que tu lui pardonnes. J’ai besoin que tu me le dises… »

— « Je lui pardonne, » répondit simplement Gabrielle, que son fils interrompit aussitôt, comme s’il redoutait toute autre parole.

— « Merci, » reprit-il, « en son nom et au mien… » Il fit signe à sa mère de ne pas ajouter un mot, et il se mit la main sur les yeux une minute, du geste de quelqu’un qui comprime une émotion trop intense. Puis, redevenu plus calme : — « Tu viens de me faire beaucoup de bien, maman, et je voudrais que nous puissions en rester sur cette impression qui m’a été si douce. Mais il y a un autre point qu’il faut aborder. Il serait puéril de le remettre. Ce n’est d’ailleurs que la suite de notre conversation de l’autre jour, où nous n’avons été très maîtres de nous, ni toi, ni moi, ni… » — Il ne nomma pas son beau-père et conclut presque brusquement : — « Enfin, tu as deviné qu’il s’agit de mon mariage… »

— « Est-il très nécessaire que nous en parlions maintenant ? » dit la mère. « Je viens de te voir si ému ? J’ai été si émue moi aussi. Nous avons senti de même sur ce sujet si délicat… Ne posons pas dès aujourd’hui les questions qui nous divisent… »

— « C’est aujourd’hui cependant que cette affaire doit être réglée, » répondit le jeune homme, avec décision. — « D’ailleurs la phrase que tu viens