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UN DIVORCE

de l’indignité de cette femme… Mais si l’enquête entreprise sur elle ne produit rien ? S’il n’y a rien en effet dans son passé ? Je t’assure que je commence à croire qu’il n’y a rien. »

Et quelques jours plus tard :

— « J’ai eu des nouvelles de la place Beauvau. La réponse est arrivée de Clermont. Les témoignages recueillis là-bas sont unanimes. Mlle Planat n’y a donné durant ses études que des exemples de travail et de bonne tenue. Son histoire à Paris a été colportée avec rage par les quelques professeurs et étudiants cléricaux de l’Université, précisément parce qu’elle avait été irréprochable durant sa préparation à ses examens. Elle les avait passés très brillamment, et l’on connaissait ses idées et celles d’un oncle qui l’a élevée, un des chefs des socialistes de la ville. Il reste à recueillir les renseignements sur sa vie au Quartier Latin. Ce sera plus long… Si l’on ne trouve rien non plus de ce côté-là, en dehors de cette liaison qu’elle avoue, ma conscience m’obligera de me donner tort vis-à-vis de Lucien. »

— « Tu ne me conseilleras pourtant pas de consentir à son mariage ?… » dit la mère.

— « Je te conseillerai de parler à ton fils en toute franchise, comme nous avons fait la première fois. Moi-même je lui dirai mes doutes actuels, comment ils me sont venus, pour quels motifs j’ai pensé d’abord d’une manière, puis d’une autre. Nous serons en droit alors de lui demander qu’il patiente ces deux années, et nous serons très sûrs de n’avoir pas commis une injustice. Depuis cette conversation, cette terreur me hante, et elle m’est par trop pénible… »