Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
UN DIVORCE

çait de ne pas y penser. Pendant toute cette semaine qui s’écoula, entre le départ de son fils et son retour, elle remit chaque matin au soir et chaque soir au lendemain cette bataille décisive. Elle trouvait une excuse à sa faiblesse dans les préoccupations qu’elle gardait, à travers ses propres troubles, sur l’issue des difficultés avec ce fils, suspendues seulement par son funèbre voyage à Villefranche. Il lui avait annoncé sa visite dès son retour. Elle s’attendait qu’à ce moment-là il renouvelât sa demande d’une autorisation qui maintenant dépendait d’elle seule. Elle avait une telle habitude, et depuis tant d’années, de toujours s’appuyer sur Albert dans les circonstances importantes, que la perspective d’aborder cette lutte sans être en plein accord avec lui la déconcertait par avance. Il était préférable que cette affaire de son opposition légale à ce mariage de Lucien eût été réglée d’abord. La mère était d’ailleurs bien inquiète du changement de plus en plus accentué de Darras à ce sujet sur lequel elle l’avait vu si net, si passionné, avant la visite place François Ier et la rencontre avec Mlle Planat. Un travail s’accomplissait en lui. Dès le lendemain de ce soir où la lettre de faire-part avait provoqué cette conversation, prologue assuré d’une autre plus grave, elle en avait eu une seconde preuve. Elle lui avait demandé s’il ne convenait pas de faire venir leur notaire pour bien arrêter les mesures à prendre, la mort du père ayant annulé l’autorisation donnée.

— « À quoi bon froisser Lucien ?… » avait répondu Darras. « Mais oui. Attends sa visite. Tu agiras en conséquence. Il ne peut rien faire sans toi… Vois-le venir… Pour toi-même, il vaut mieux n’avoir pas créé de nouvel incident. Nous avons aujourd’hui