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L’IMPASSE

Nous avons une âme, et qui émane de lui, qui vit de lui… Ces deux évidences se sont imposées à moi toujours plus claires, toujours plus puissantes, rien qu’en faisant répéter sa prière à ma fille, chaque matin et chaque soir. Je l’écoutais prononcer ces mots : Notre Père, et je lisais dans le fond de son être. J’y voyais la foi absolue dans la bonté de ce Père céleste. Je me disais alors, j’étais bien obligée de me dire : si ce cœur, toute pureté, toute tendresse, toute sincérité, était trompé dans cette confiance, rien n’aurait de sens ici-bas. Est-ce possible ? La vie serait un horrible cauchemar, si des élans comme celui de cette enfant vers son Créateur n’étaient qu’un mensonge. La mère en moi s’est rendue à cette lumière… Oh ! ce travail ne s’est pas accompli sans combats. Les raisonnements qui m’avaient été donnés contre la religion se sont levés. Aucun n’a tenu contre cette voix de ma fille parlant au bon Dieu. Pourquoi essayer de discuter quand on sent, quand une réalité est là devant vous, vraie comme vous-même, comme l’air que vous respirez, comme les objets que vous touchez ? J’ai cru de nouveau. Je n’ai plus lutté contre un sentiment d’autant plus fort qu’il m’associait davantage à l’intimité de mon enfant, à toutes les émotions de sa piété grandissante. Plus j’ai partagé ces émotions, plus j’ai aimé mon enfant et aussi plus j’ai cru. Vous n’imaginez pas quelle ardeur d’amour cette approche de sa première communion suscite en elle, comme sa sensibilité et son intelligence en sont exaltées, illuminées, à quels miracles de perfection quotidienne j’assiste dans ce jeune cœur. C’est Dieu que je regarde agir en elle et aussi en moi… Mais ce n’est pas pour vous