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UN ADIEU

tement où était mort Chambault, au risque de s’y rencontrer avec une Mlle Planat ?… Attendrait-elle d’être bien sûre que la levée du corps eût été faite, pour se rendre à cette maison où elle ne se heurterait plus ni à Lucien ni à cette fille, afin d’interroger les gens de service ?… Écrirait-elle au notaire, à ce M. Mounier qui lui avait le premier annoncé la maladie dont la terminaison foudroyante marquait une telle date dans sa vie ?… Tous ces projets lui traversèrent l’esprit, devant ce billet de son « petit » qui, même à cette minute, et sans le savoir, se faisait encore une fois son bourreau. Elle finit par s’arrêter à un procédé détourné, mais il lui donnerait d’une manière certaine le renseignement, pour elle d’une importance tragique, qu’elle désirait. Elle écrivit à ce cousin du mort, dont il a déjà été parlé, le vieux général de Jardes, avec qui elle conservait des relations. Quand la réponse arriva, portée par un domestique, c’était le moment de dîner. Gabrielle était à table, ne parvenant pas à dissimuler une anxiété dont Darras ne soupçonnait guère le vrai motif. Comment ne pas l’attribuer à la nouvelle reçue le matin, et, l’expliquant ainsi, comment ne pas en souffrir lui-même ? Ce lui fut un coup au cœur, après tant d’autres, de voir Gabrielle frissonner, quand le valet de chambre lui remit l’enveloppe en lui nommant l’expéditeur, le rouge de l’émotion envahir son visage, ses mains trembler un peu. Elle ouvrit ce message, et, en ayant pris connaissance, un autre tressaillement passa sur ses traits. L’enveloppe contenait une carte de M. de Jardes, avec un mot et la lettre de faire-part d’Edgar de Chambault, où se trouvait la mention : muni des sacrements de