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UN DIVORCE

représentaient d’intéressants souvenirs. Des gravures anglaises figurant des courses d’obstacles alternaient avec quelques grandes photographies, dont une signée, de femmes en toilettes tapageuses, sur la profession desquelles le doute n’était guère permis. Une panoplie de fusils proclamait les goûts du chasseur, et une autre, en pendant, garnie de cannes, les prétentions du vieux Beau. Des cartes de visite s’amassaient dans une coupe. Darras en prit distraitement quatre ou cinq. Le hasard voulut qu’il tombât sur celle d’une fille. Il y lut, écrit familièrement au crayon : « À ce soir, à dîner. » Il savait bien que Chambault vivait ainsi. Pourquoi cette constatation d’habitudes peu délicates, mais après tout assez inoffensives, l’accablait-elle d’une mélancolie, à laquelle il n’eut pas le loisir de s’abandonner, car le valet de chambre revenait, et avec une réponse négative :

— « M. le comte aurait bien voulu recevoir monsieur, mais il est plus mal en ce moment, et la personne qui a été mise là par le docteur s’y est absolument opposée. »

— « Je ne peux pas voir le fils de M. de Chambault ? » dit Darras qui voulait savoir si Lucien n’était pour rien dans cette défense.

— « Il est parti, voici une heure, pour aller chez un grand médecin qu’ils veulent avoir en consultation. Il ne tardera pas à rentrer… »

— « Et la personne dont vous parliez et qui garde le malade ? » interrogea Darras… « Donnez-lui ma carte, et demandez-lui si elle veut me recevoir un instant… »

Un soupçon venait de traverser sa pensée. La formule employée par le valet de chambre lui avait