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UN DIVORCE

L’ancienne loi voulait qu’une famille une fois fondée le fût pour toujours. En fait, même avec le divorce, cette première famille n’est pas tout à fait détruite, puisque le droit d’hériter continue. La puissance paternelle correspond à cette permanence du droit d’hériter. C’est ce principe de la puissance paternelle, inaliénable sauf dans certains cas particuliers de déchéance, que la loi a maintenu sous cette forme. Elle a marqué là nettement la différence dont je vous parlais tout à l’heure entre la dissolution et l’annulation. Il y a cependant une réserve. Le législateur a prévu le cas où un père indigne, comme vous dites, pourrait, pour se venger d’avoir été privé de la garde de l’enfant, refuser de consentir à un mariage désiré par la mère. L’article 3 de la loi du 20 juin 1896 a disposé : — S’il y a dissentiment entre des parents divorcés ou séparés de corps, le consentement de celui des deux époux au profit duquel le divorce ou la séparation aura été prononcé suffira. — Si donc Mme Darras consentait au mariage de son fils et que M. de Chambault s’y refusât, l’avis de Mme Darras l’emporterait. Mais Mme Darras refuse, le père consent. C’est le père qui l’emporte… Peut-être estimerez-vous qu’il y a là une contradiction et que ces diverses parties de la loi ne se tiennent pas très bien. Vous savez que les assemblées où s’élaborent ces soi-disant réformes du Code ne sont pas recrutées parmi les compétences… »

— « La loi est la loi, monsieur, et je suis prêt à lui obéir, quelle qu’elle soit, » répondit sèchement Darras. Il ajouta : — « Je suppose que ce préambule est pour nous annoncer que M. Lucien de Chambault a demandé son consentement à son père et que celui-ci le lui a accordé ?… »