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L’IMPRÉVU

La loi peut bien déclarer la dissolution du mariage, mais la dissolution n’est pas l’annulation. M. Lucien de Chambault est le fils de M. de Chambault et de celle qui était Mme de Chambault. Elle la redevient pour la circonstance. N’ayant pas vingt-cinq ans, ce jeune homme ne peut se marier qu’en demandant le consentement de ses parents, divorcés ou non, en vertu de l’article 148, et sa mère n’a besoin, pour répondre à cette demande, d’aucune autorisation. »

— « Soit, monsieur, » rectifia Darras, « Mme Darras a refusé. »

— « Je le savais, » reprit le notaire, « et c’est le motif de ma visite. Je tiens d’abord à vous rappeler, monsieur, et à Mme Darras elle-même, que ce refus de sa part n’a aucun caractère prohibitif. Ce même article 148 est très net : en cas de dissentiment entre deux époux, la volonté du père prévaut. »

— « Même si le divorce a été prononcé contre lui ? » interrompit le second mari. « Et si la garde de l’enfant lui a été retirée ? C’est impossible. »

— « Même dans ce cas, » répondit M. Mounier. « Avec ou sans la garde de l’enfant, la puissance paternelle demeure intacte. »

— « Comment ! » s’écria Darras. « La société aura reconnu, par ses tribunaux, qu’un père est incapable de bien élever sa fille ou son fils, la mère se sera dévouée seule à cette éducation, et, dans une crise aussi décisive que celle du choix, d’une femme ou d’un mari, c’est la volonté du père indigne qui décidera ?… C’est une monstruosité… »

— « Cet illogisme a sa logique, » dit le notaire. « C’est un débris de l’ancienne loi dans la nouvelle.