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UN DIVORCE

foyer, et Darras pouvait la sentir qui s’appuyait sur lui, qui l’étreignait de ses mains convulsives.

— « Calme-toi, mon aimée, » disait-il aussi tendrement que si le tragique malentendu de cette semaine ne se fût jamais produit. « Compte sur moi pour te garder, pour te protéger… » Et, lisant la lettre : « — Je ne peux pas croire que Lucien ait fait cela. Mais, s’il l’a fait, ce coup de tête ne lui servira de rien. Je t’ai promis que ce mariage n’aurait pas lieu, et il n’aura pas lieu… Tu recevras ce notaire à une heure et demie, comme il te le demande, et je serai là. C’est à moi de prendre en main tes intérêts et de revendiquer tes droits. Je suis le chef de la communauté. Encore une fois, tu verras qu’il s’agit d’une autre affaire. J’en suis moralement sûr. Le reste est impossible. »

Cette dénégation était trop visiblement démentie par toute l’attitude de celui qui la formulait pour qu’elle apaisât chez la pauvre femme une inquiétude dont la petite Jeanne elle-même s’aperçut, car, à un moment de la matinée où elles se trouvaient seules, elle embrassa sa mère avec un tel emportement que celle-ci en fut touchée, et se sentant devinée et plainte par son enfant, elle ne put retenir cette imprudente exclamation :

— « Ah ! ma chère fille ! Tu m’aimes, toi ! Tu me resteras, toi ?…

— « Oui, je t’aime, » répondit la petite ; « oui, je te resterai… Je ferai un vœu, maman, si tu me promets de n’être plus si triste, le jour de ma première communion, celui de ne jamais me marier pour ne jamais te quitter… »