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UN DIVORCE

Ce dimanche étant le quatrième du carême, elle lut d’abord le morceau : « Mes frères, il est écrit qu’Abraham eut deux fils… » puis : « En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée… » et, feuilletant à la suite, ses yeux tombèrent sur l’Évangile du jeudi suivant qui raconte la résurrection du fils de la veuve de Naïm : « Et Jésus le rendit à sa mère… » lui parut si exactement s’adapter à sa situation, qu’elle en frémit comme d’une promesse. C’était de quoi supporter le reproche vivant que lui avait représenté l’apparition de son mari derrière le rideau ; de quoi l’affronter lui-même, sans une trop mortelle défaillance du cœur, au retour ; — de quoi subir le poids du silence le dimanche encore, tout le jour, et, tout le jour, le lundi qui suivit ; — de quoi enfin accepter, sans révolte, une incertitude qui, par instants, doublait la tristesse de ses actuels rapports avec Darras d’une si lancinante anxiété. Il était sorti cette après-midi du dimanche, et seul. Avait-il fait une démarche ? Il ne le lui dit pas. Le lundi, il avait été dehors le matin et l’après-midi. Avait-il agi ? Rien encore. Où en était-il de ce dessein annoncé avec une telle affirmation ? Était-il toujours aussi certain d’empêcher le mariage de son beau-fils ? Que faisait-il, ou que faisaient les personnes qu’il avait mises en campagne ?… Gabrielle aurait passionnément voulu le savoir. Mais à quoi bon poser ces questions ? Elle saurait la réponse quand il serait temps ; et maintenant elle était sûre que cette réponse serait favorable…

Telle était sa disposition d’esprit quand, le mardi matin, c’est-à-dire exactement quatre jours après