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UN DIVORCE

entre l’état de grâce, dont elle maintient l’incomparable supériorité, et l’état de bonne volonté simplement naturelle, qu’elle entend ne pas décourager. Pour Mme Darras, le prêtre l’avait conviée au mérite tout court. Il lui avait rappelé le droit d’une âme à obtenir ce qu’elle demande, en vertu de la grande promesse : « Tout ce que vous demanderez en mon nom, vous l’obtiendrez… » Elle avait mérité, comme avait dit le prêtre, en avouant, enfin, ces troubles religieux qu’elle avait tant cachés. Que son mari ne se fût pas emporté contre elle davantage, qu’il lui fût revenu si vite après le premier sursaut d’étonnement et de colère, quel signe plus évident d’une récompense accordée immédiatement à son sacrifice ? Ce n’était plus comme la veille et comme ce matin, où elle n’avait encore rien fait pour que sa prière valût d’être exaucée. Maintenant que les mensonges par omission étaient finis et qu’Albert connaissait tout de ses pensées, elle allait pouvoir soumettre son existence entière à cette discipline de pieuses pratiques, même dans l’irrégularité, que le Père Euvrard lui avait tracée. Ce n’était certes pas la rentrée dans l’Église, l’approche désirée des sacrements, l’effacement de cette faute qu’elle avait commise si aveuglément et prolongée si longtemps sans en mesurer l’étendue. C’était quand même un peu de vie chrétienne, de quoi se racheter au regard de la suprême Bonté, de quoi obtenir que les épreuves de ces dernières heures ne se renouvelassent point. Que seulement Darras réussît, comme il l’avait promis, à empêcher ce déshonorant mariage, qu’il lui rendît son fils, — et ces horribles journées, terminées par cette horrible scène, au-