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UN DIVORCE

valeur mathématique du Père Euvrard, ni la sincérité de sa foi religieuse. Pourtant, s’il n’avait pas déployé dans ses travaux plus de logique que dans la soi-disant prédiction que tu me rapportes, il ne serait pas de l’Institut. Cela prouve qu’il a, comme Renan le disait d’un de ses maîtres de Saint-Sulpice, une cloison étanche dans l’esprit. Le géomètre est d’un côté, le visionnaire de l’autre… Car enfin, quand. Lucien a osé me dire à propos de toi : « Elle était ma mère avant d’être ta femme, » c’est ton second mariage qu’il nous a reproché. Tu l’aurais fait, ce second mariage, étant veuve au lieu d’être divorcée, le reproche aurait été le même. Je t’aurais épousée veuve que le caractère de ce malheureux enfant se serait heurté contre le mien, aussi âprement, à l’occasion de son absurde projet… Quant à ce projet lui-même, raisonne encore. Lucien n’est pas allé chez M. de Chambault lui demander le consentement que tu lui refuses. Il n’ira pas. Ce serait te faire un outrage dont je continue à le croire incapable, même dans sa folie. Il irait, que tu as pour toi le jugement qui te donne la garde de l’enfant… Mais à chaque jour suffit sa peine. J’ai voulu te démontrer, d’après les faits acquis aujourd’hui, qu’entre ton divorce et les chagrins qui t’atteignent, il n’y a aucun rapport de cause à effet. L’Église admet le second mariage du veuf ou de la veuve. Sans être grand clerc, je dois me rappeler même que la proscription de ces seconds mariages par certains théologiens a été une hérésie. Tu aurais fait un second mariage dans ces conditions-là, encore une fois, que le Père Euvrard n’aurait pas le droit de te le reprocher, et tu subirais les mêmes épreuves… »