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SILENCES

croyances que je ne peux m’arracher des yeux cette lumière. Pour moi, elles sont vraies, elles sont certaines, comme ce jour… Un prêtre ? Mais, si j’avais dû reperdre la foi, ce sont les prêtres qui me l’auraient enlevée. Je n’en ai vu que deux depuis un an que cette crise a commencé, et chacun une demi-heure. Ils ont été si durs, si intransigeants, même le meilleur ! Ils m’auraient rejetée à tes idées, si je pouvais y revenir. L’un d’eux était pourtant un grand savant et que tu admires : le Père Euvrard… »

— « Le membre de l’Institut ? » interrogea Darras, et, outré de cette nouvelle révélation : — « Le Père Euvrard s’est prêté à recevoir les visites clandestines d’une femme à l’insu de son mari ?… Et moi qui le mettais si à part des autres gens de son espèce ? Moi qui, pour un peu, l’aurais plaint de tomber sous le coup des dernières lois ? Qu’elles sont justes, ces lois, qu’elles sont sages ! Le Père Euvrard ? Ah ! Quelle infamie !… »

— « Je te le répète que je ne l’ai vu qu’une fois, et une demi-heure. Il a tellement senti, lui aussi, l’irrégularité de ma démarche qu’il m’a demandé de ne revenir qu’après t’avoir parlé de cette visite. »

— « Tu lui as donc dit que tu venais à mon insu ? Il a fallu que tu lui expliques pourquoi… Tu lui as livré les secrets de notre ménage ?… »

— « Mon ami, » interrompit-elle douloureusement, « ne pense pas cela ! Je ne lui ai pas prononcé ton nom, je serais morte plutôt… »

— « Que m’importe qu’il connaisse mon nom… » s’écria Darras. « Ce qui m’importe, c’est que tu aies pu parler à un autre homme de choses dont tu te taisais avec moi. C’est que tu aies fait une visite