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UN DIVORCE

depuis le jour où Albert Darras était venu demander à Mme de Chambault de refaire sa vie avec lui :

— « Nous ne sommes pas mariés ?… » répéta-t-il enfin. Et, impérieusement, brutalement : — « Quel est le prêtre qui t’a mis en tête cette criminelle folie ?… »

— « Aucun, » fit-elle, résolument.

— « Quel est ce prêtre ? » insista-t-il, avec un emportement où perçait la partialité passionnée du sectaire. « Il y en a un ! J’ai voulu tenir la parole que je t’avais donnée quand je t’ai épousée. Voilà comment j’en suis récompensé ! Tu es allée à l’église avec ta fille. Tu as causé avec des prêtres. Ils ont vu une proie à conquérir, et une proie riche. Un d’eux a été chargé de la besogne… Le bonheur d’un ménage qui n’est pas leur chose, l’accord d’un homme et d’une femme qui se sont passés d’eux, est-ce qu’ils peuvent supporter cela ? Cet homme et cette femme seront malheureux tous deux ? Ce foyer paisible, respecté, heureux, sera brisé ?… Qu’importe à leur fanatisme ! Ah ! que je les hais !… »

— « N’accuse personne, mon Albert… » supplia-t-elle, « tu n’en as pas le droit. Sur quoi veux-tu que je te jure qu’aucun prêtre ne m’a influencée ?… Sur notre enfant ? Tu me croiras si je te jure sur elle. Je te le jure sur sa tête… J’ai retrouvé la foi à moi seule, toute seule… Comment et quand ? Je ne le sais pas… J’ai vu Jeanne prier, je l’ai vue croire. Toute la piété de mon enfance et de ma jeunesse m’est revenue à travers ma fille. Et maintenant, je crois. Je crois en Dieu. Je crois à l’Évangile. Je crois à l’Église. Je crois aux sacrements. Je ne peux pas plus m’arracher de l’esprit ces