Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
UN DIVORCE

professes, de défaire dans son esprit l’œuvre de calomnie dont tu as été l’ouvrier inconscient… Tu vois si je n’ai pas osé ? Mais on n’a pas de mérite à oser, quand on défend la vérité et la justice. »

— « Voyons, Lucien, » s’écria le beau-père. « Ce n’est pas toi qui parles… Ce n’est pas possible… Toi, épouser cette femme, toi, toi !… Mais elle t’a fait perdre le sens de ce que tu es, de ce que nous sommes !… L’épouser ? Toi ?… Pourquoi d’ailleurs, puisque tu viens de me déclarer que tu es partisan de l’Union libre ?… »

— « Je n’ai pas dit cela, » répliqua le jeune homme dont la voix devenait plus sèche et plus âpre à mesure que celle de son beau-père se faisait plus impérieuse et plus irritée. « J’ai dit que les formalités du mariage civil n’ajoutaient rien à l’Union libre. Elles ne lui ôtent rien non plus. Toute la question est de savoir si l’on juge ou non opportun de se soumettre à ces formalités. Aujourd’hui, et à l’occasion de Mlle Planat, je le juge opportun, précisément parce qu’il y a des gens qui pensent comme toi, beaucoup de gens, et que je veux avoir le droit légal de la défendre… »

— « Et tu ne penses pas que ta mère a le droit moral, elle de n’avoir pas cette belle-fille ? Ta sœur le droit moral de n’avoir pas cette belle-sœur ?… Et cet enfant ? Tu nous amènerais cet enfant ?… »

— « Ma mère m’avait quand tu l’as épousée, et tu n’as pas hésité à lui offrir de l’aider à reconstruire sa vie !… Je ne vous demande rien que de me permettre de faire ce que vous avez fait. »

— « Ce que nous avons fait ?… Ta mère ?… Ta mère ?… Tu compares ta mère à… » Et Darras marcha sur son beau-fils, les poings levés, tandis