Page:Paul Bourget – Un divorce.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
LA PLAIE OUVERTE

une liaison de cette espèce ?… Une fille a été élevée par des révolutionnaires qui lui ont montré dans les conventions du monde actuel le principe de toutes les misères et de tous les crimes. Elle est persuadée que, parmi ces conventions, une des pires est le mariage. Pour elle, l’Union libre est la vraie formule de la vie conjugale, celle qui affranchira l’homme et la femme, non pas de la moralité, mais du mensonge. Elle croit cela, profondément, absolument. Elle rencontre un scélérat qui lui joue la comédie de convictions pareilles aux siennes. Il s’en fait aimer et il lui offre d’unir leurs destinées pour fonder une famille telle qu’elle la comprend, en dehors de ces conventions qu’il prétend détester comme elle. Le misérable manquera à sa promesse et l’abandonnera plus tard. C’est un débauché, un séducteur. Elle n’en sait rien. Elle accepte. Diras-tu qu’elle a pris un amant ? Non. Elle s’est mariée hors la loi, contre la loi. Mais tout ce qui constitue la valeur morale du mariage est dans cette union. C’est l’histoire de Mlle Planat que je viens de te raconter… Ne me réponds pas que je ne la sais que par elle. Il y a des cris qui ne trompent pas. Je l’ai vue, sous l’accusation, se dresser, avec des yeux, des gestes, une douleur !… Non. Elle ne m’a pas menti. Ne me crois pas fou, mon père, je ne le suis pas. Je suis un homme qui vient t’adjurer de reconnaître une injustice que tu as commise, à ton insu, en jugeant cette femme comme tu l’as jugée, de la reconnaître et de la réparer… »

— « Si c’est la réparer que la reconnaître, j’y suis prêt, » répondit Darras. « Tu as causé avec Mlle Planat, tu l’as entendue. Tu m’affirmes qu’elle a été la victime d’une idée fausse et que son égare-