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UN DIVORCE

lui, comme son père. Leur conflit de l’avant-veille avait redoublé en lui cette sensation. Elle était cause qu’à cette heure d’une explication solennelle son expressif visage était tout contracté, tout noué. Son regard, d’ordinaire si droit, traduisait cette gêne qui propage la gêne. Lucien, qui venait de communier avec sa mère dans une fusion totale de leurs deux cœurs, perçut du coup la différence entre cet accueil et l’autre. Il avait devant lui, de nouveau, l’étranger. Darras cependant lui avait tendu la main, en lui disant :

— « C’est toi, Lucien. Je savais bien que tu nous reviendrais. Comme je suis heureux que ce soit si tôt !… Tu as vu ta mère. J’ai tenu à te laisser seul avec elle dans les premiers moments. Elle a été malade d’inquiétude. Ta présence lui aura fait tant de bien, et je suis sûr que la sienne t’en aura fait aussi… Quant à ce qui s’est passé entre nous l’autre jour, nous n’en parlerons plus, n’est-ce pas ? C’est effacé. Tu es rentré à la maison. Nous t’avons de nouveau. C’est la seule chose qui importe… »

— « Je tiens au contraire à ce que nous en parlions, » répondit le beau-fils. « C’est dans cette intention que je suis rentré, mon père. Je l’ai dit à maman : j’aurais dû t’écrire et te voir avant elle… C’est entre toi et moi, et en dehors d’elle, qu’une certaine question a été posée. Elle doit être reprise, entre toi et moi. Mais il y a un point qu’il faut régler avant le reste. Nous nous sommes quittés sur des paroles très dures. Je veux t’avoir dit d’abord que je regrette celles qui me sont échappées. Je souffrais trop. »

— « Elles étaient trop naturelles, » interrompit Darras. « Je m’y suis mal pris. Je devais te donner