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UN DIVORCE

éducation technique. Aussi ceux de leurs ouvrages que la réfection du Paris moderne a épargnés offrent-ils des exemplaires minables de maçonnerie gâchée et d’ignorante architecture. L’ensemble de cette maison-ci se composait d’un premier corps de logis, haut de deux étages, que des ailes en retour rattachaient à une sorte d’hôtel à fronton, édifié évidemment en premier lieu et que décorait une prétentieuse rangée de bustes copiés sur l’antique : un Antinoüs, un Apollon, une Diane. Des X en fer affleuraient partout sur le crépi lézardé, les murs ne tenant plus que par la force des clefs. La disposition actuelle des bâtiments en faisait une petite cité, desservie par des escaliers distincts. Ils prenaient leur point de départ sur une cour pavée, au centre de laquelle l’industrie du concierge aménageait un fantastique jardinet. Des arbustes plantés à même des bacs poussaient, dans cette atmosphère sans soleil, un maigre feuillage. Des récipients de métal, jadis bidons de pétrole ou boîtes à conserves, étaient là, garnis de terre. Des plantes grimpantes devaient en surgir, puis s’enlacer à un treillis de bois et de fil de fer érigé en une petite tonnelle. L’ingénieux personnage était justement occupé à compliquer encore ce rustique appareil lorsque Mme Albert Darras, après avoir vainement frappé au carreau de la loge vide, poussa la porte à claire-voie qui séparait la voûte et la cour. À l’appel du timbre, le jardinier amateur tourna la tête, sans d’ailleurs se déranger de sa besogne, et sa voix se fit presque brutale pour répondre à la question de la visiteuse, formulée d’un accent étouffé :

— « Monsieur l’abbé Euvrard est-il chez lui ?… »