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LA PLAIE OUVERTE

pourtant appris la vérité. Son retour ne s’expliquait pas autrement. D’où lui venait cette espèce de calme dans l’émotion, dont elle eut soudain presque peur ?

— « Alors, » continua-t-il, « tu sais sans doute aussi que je me suis laissé emporter à des paroles que je ne pense pas ?… J’ai besoin que tu sois bien sûre, toi, que je ne les pense pas… »

— « Ton père ne m’a rien répété de ce que tu lui as dit, » répliqua la mère. « Il a voulu l’avoir oublié aussitôt. Ah ! aime-le bien, Lucien, parce qu’il t’aime bien… En t’éclairant sur cette indigne femme… »

— « Ne parle pas ainsi, maman, » interrompit le jeune homme avec une vivacité qui acheva de confondre la mère. Il s’était levé brusquement, sous le coup de cet outrage adressé à celle qu’il aimait. Puis d’une voix saccadée : — « C’est moi qui ai eu tort, » reprit-il. « J’aurais dû écrire à mon père, le voir le premier, tout lui expliquer… Écoute, maman… » — Et ses mains serraient les mains de Mme Darras : — « Tu sais combien je te respecte, combien je t’aime, combien je suis incapable de te mentir ?… Hé bien ! je te donne ma parole d’honneur que mon père a été trompé et que la personne dont il s’agit est une des plus hautes, des plus pures consciences qui se puissent rencontrer… Mais tout cela, je veux qu’il te l’ait dit lui-même. C’est lui qui a porté l’accusation, c’est lui qui doit la retirer. Et quand il aura causé avec moi, il la retirera… Il est dans son bureau, m’a dit le domestique. J’y vais… »

Avant que Mme Darras eût pu même répondre un mot, il avait frappé à la porte qui, du petit