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FIANÇAILLES

refaire votre vie avec moi ? Cet échange de deux promesses au nom de deux consciences, voulez-vous y consentir, fonder avec moi le foyer comme nous le concevons tous deux ? Oui, voilà ce que je devrais vous dire, et c’est bien mon plus ardent désir, mon rêve le plus cher qu’il en soit ainsi. Ce n’est pas tout mon désir. Je veux autre chose… Même si vous viviez avec moi ainsi, et pour toujours, il me manquerait d’avoir réparé publiquement cette injustice dont vous vous plaignez. Je ne vous aurais pas donné cette preuve visible d’estime que je veux vous avoir donnée. Cette preuve, je vous la donnerai le jour où nous sortirons de la mairie au bras l’un de l’autre, vous, portant mon nom ; moi, ayant le droit de vous protéger. Je disais que le mariage légal n’ajoute rien au vrai mariage, celui des consciences, que des garanties. Parmi ces garanties, il y a celle-ci : pour un homme, dans notre société, épouser une femme, c’est déclarer à tous qu’il a foi en elle, qu’il ne permet pas qu’on doute d’elle. Vous ne me refuserez pas cette joie, Berthe. Vous accepterez de m’épouser devant la loi, de porter mon nom, d’être ma femme… C’est pour vous faire cette demande que je vous ai suppliée de venir ici. Elle est faite. J’attends votre réponse… »

Elle l’avait écouté, haletante. À ses dernières paroles, il la vit pâlir si profondément qu’il crut qu’elle allait défaillir, comme l’avant-veille. Il voulut la soutenir. Elle le repoussa doucement.

— « Votre femme ?… » répéta-t-elle. « Vous me demandez d’être votre femme ?… Ah ! que vous m’aimez ! Que cela me fait du bien de le sentir !… Quel baume sur cette plaie !… Votre femme ? Mais